Ndongo Samba Sylla : « Le Sénégal doit avoir une monnaie nationale »

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Economie

« Avec le pétrole, le Sénégal a les moyens d’avoir une monnaie nationale plus ou moins flexible, qui permettra d’atténuer d’éventuelles conséquences négatives ». Tel est l’avis de l’économiste Ndongo Samba Sylla. Invité de la rédaction d’iRadio, l’auteur du livre « L’Arme invisible de la Françafrique : Une histoire du franc CFA » a, de nouveau, listé les désavantages de la monnaie coloniale.

Il dit : « Le gouvernement de Macky Sall a fait le choix de signer les Accords de partenariats économiques (Ape). Cela veut dire que nos productions qui ne sont pas très diversifiées, vont être en concurrence avec les productions étrangères. Donc, cela va tuer ces secteurs-là. Lorsque vous avez une monnaie forte comme le franc CFA, vous ne pouvez pas vendre à l’extérieur. Cela va aussi mettre la pression par rapport à nos amorces d’industrialisation. Et, lorsque vous avez le pétrole qui va tout dominer, cela veut dire qu’on va devenir une économie unilatérale. Du point de vue de la diversification de nos économies, cela peut être un recul ».

La Françafrique constitue « l’arme invisible du F CFA, insiste-t-il, parce qu’en fait, il n’y a pas eu une décolonisation totale. Lorsque nos pays ont eu leur indépendance, certains volets n’ont pas été décolonisés. La monnaie est le domaine où il n’y a pas eu du tout de décolonisation. Parce que, jusqu’à présent les billets et les pièces sont fabriqués en France. La monnaie, même si les signes ont été africanisés, c’est toujours le même système de fonctionnement. Les décisions importantes sont prises par le trésor français et ses représentants qui siègent dans les instances des deux banques centrales en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale. »

Il faut dire, ajoute-t-il, « que nous sommes tenus de déposer la moitié de nos réserves de devises dans des comptes spéciaux du trésor français. C’est tout à fait les mêmes mécanismes que l’on avait du temps colonial. »
Ndongo Samba Sylla persiste et signe : « Avec le franc CFA, la France a un levier politique pour contrôler nos pays. Donc, les dirigeants qui accèdent au pouvoir n’ont pas autant de marge de manœuvre, en moyenne s’ils critiquent le franc CFA, ils ne peuvent pas rester très longtemps. »

L’économiste cite l’exemple de la Côte d’Ivoire sous Laurent Gbagbo. « En 2011, dans le contexte post électoral quand il y a eu le conflit avec Alassane Ouattara, c’est grâce au système franc CFA que la France a pu organiser un embargo financier contre le gouvernement de Gbagbo. Cela montre clairement que le franc CFA peut s’avérer une arme invisible, redoutable et très efficace pour dissuader certains chefs d’Etat qui aspirent à sortir un peu du joug de la France. »

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